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LETTRE DE PASCAL A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ

plus à Jesus-Christ. Je ne sçay s'il y a des personnes dans l'Eglise plus attachez à cette unité [1]de corps que le sont ceux que vous appelez nostres. Nous sçavons que toutes les vertus, le martyre, les austeritez et toutes les bonnes œuvres sont inutiles hors de l'Eglise, et de la communion du chef de l'Eglise, qui est le Pape[2].

Je ne me separeray jamais de sa communion, au moins je prie Dieu de m'en faire la grace ; sans quoy je serois perdu pour jamais[3]. Je vous fais une espece de profession de foy, et je ne sçay pourquoy ; mais je ne l'effaceray pas ny ne recommenceray pas.

M. du Gas[4] m'a parlé ce matin de vostre lettre avec autant d'etonnement et de joye qu'on en peut avoir : il ne sçait où vous avez pris ce qu'il m'a raporté de vos paroles ; il m'en a dit des choses surprenantes et qui ne me surprennent plus tant. Je commence à m'accoutumer à vous et à la grace que Dieu vous fait, et neanmoins je vous advoüe qu'elle m'est toujours nouvelle, comme elle est toujours nouvelle en effet.

Car c'est un flux continuel de graces que l'Ecriture compare à un fleuve [5] et à la lumiere que le

  1. Ms. Faugère, et ms. de l'Oratoire : [du].
  2. Pensée reprise dans le Second Écrit des Curés de Paris.
  3. Cf. une profession de foi analogue dans la dix-septième Provinciale, infra p. 343.
  4. C'est là, semble-t-il, le pseudonyme de Singlin, cf. supra p. 159, note 3.
  5. Allusion probable au Psaume LXIV, 10: Visitâsti terram et inebridsti eam... Flumen Dei repletum est aquis (Havet).