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TREIZIÈME PROVINCIALE. — INTRODUCTION 9

« Ce n’est point par la force, dit Suarez, qu’on repousse la calomnie.... Calumnia non propulsatur vi, sed manifestatione veritatis. Quôd si hæc possibilis non est, nequaquam licet transgredi ad média inordinata, quæ verè non sunt media, sed patienter ferenda est mors, non secùs ac si innocens probaretur nocens per falsos testes. Suares tract, de char. disp. 13. de bello sect. ult. n. 5 : Non potest reus sic falsô accusatus occidere suum accusatorem, ergo nec licet idem tentare per duellum. Suares ibid. n. 6 [p. 43.]

La seconde imposture touche le P. Reginaldus dont il coupe le texte, et n’en prend qu’une partie qu’il corrompt malicieusement ; car il luy fait dire, qu’il faut tousjours éviter le dommage de l’Estat dans la maniere de se defendre ; et cet Autheur dit, que dans le droit que chacun a de se defendre, il faut considerer que l’usage qu’on en fait ne tende pas à la ruine de l’Estat 1. Or pourquoy change-t’il ce mot de droit, sinon parce qu’il eust fait voir clairement, que la pensée de Reginaldus, est, qu’encore qu’un particulier eust droit d’user de cette sorte de defense, la considerant simplement en elle-mesme, cependant elle est illegitime et criminelle mesme selon la Loy de Dieu, à raison des meurtres et des desordres, qu’elle causeroit dans l’Estat. En quoy j’admire l’aveuglement de nostre Calomniateur, qui reconnoist que selon le P. Reginaldus cette maniere de se defendre, tend à la ruine de l’Estat, et neantmoins il asseure qu’il ne la defend pas, parce qu’elle est contre la loy de Dieu : Comme s’il estoit permis selon la Loy de Dieu, de renverser l’Estat : comme si Dieu, qui defend de violer le droit d’un particulier, ne defendoit pas de ruiner le bien public : comme si c’estoit une action plus criminelle de permettre le meurtre, parce qu’en le permettant on expose la vie d’un seul homme, que parce qu’on expose celle d’un million d’hommes tout à la fois; et

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1. Sententia negans in praxi sequenda est.... defensionis uti. Reginaldus loco citato et truncato ab adversario (note des Impostures). — Cf. ce texte, supra T. V, p. 67.