Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/53

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TREIZIÈME PROVINCIALE 37

Quoy, mes Peres, vous nous direz 1 qu’on a droit de tuer pour des médisances en ne regardant que la loy de Dieu qui défend l’homicide, Et apres avoir ainsi violé la loy eternelle de Dieu, vous croirez lever le scandale que vous avez causé, et nous persuader de vostre respect envers luy, en ajoûtant que vous 2 en défendez la pratique pour des considerations d’Estat, et par la crainte des Juges ? N’est-ce pas au contraire exciter un scandale nouveau, non pas par le respect que vous témoignez en cela pour les Juges ; car ce n’est pas cela que je vous reproche, et vous vous joüez ridiculement là dessus pag. 29.

Je ne vous reproche pas de craindre les Juges ; mais de ne craindre que les Juges ; 3 et non pas le Juge des Juges. C’est cela que je blasme, parce que c’est faire Dieu moins ennemy des crimes, que les hommes. Si vous disiez qu’on peut tuer un médisant selon les hommes, mais non pas selon Dieu, cela seroit moins insupportable ; mais 4 que ce qui est trop criminel pour estre souffert par les hommes, soit innocent et juste aux yeux de Dieu qui est la Justice mesme, 5 qu’est-ce faire autre chose, sinon montrer à tout le monde que par cet horrible renversement si contraire à l’esprit des Saints, vous estes hardis contre Dieu, et timides envers les hom-

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1. B. qu’en ne regardant que la loy de Dieu qui defend l’hommicide, on a droit de tuer pour des médisances ?

2. P. en, manque.

3. B. et non pas le Juge des Juges, manque.

4. B. [quand vous prétendez] que....

5. B. [que faites-vous] autre chose.