Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/162

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Dieu a créé les hommes dans la volonté conditionnelle de les sauver tous généralement s’ils observoient ses préceptes.

Sinon, de disposer d’eux comme maistre, c’est-à-dire de les damner ou de leur faire miséricorde suivant son bon plaisir.

L’homme innocent et sortant des mains de Dieu ne pouvoit, quoyque fort et sain et juste, observer les commandemens sans grace de Dieu.

Dieu ne pouvoit avec justice imposer des préceptes à Adam et aux hommes innocens sans leur donner la grâce nécessaire pour les accomplir.

Si les hommes en leur création n’avoient eu une grâce suffisante et nécessaire pour accomplir les préceptes, ils n’auroient point péché en les transgressant.

Dieu donna à Adam une grâce suffisante, c’est-à-dire outre laquelle aucune autre n’estoit nécessaire pour accomplir les préceptes et demeurer dans la justice. Par le moyen de laquelle il pouvoit persévérer ou ne persévérer pas, suivant son bon plaisir.

De sorte que son libre arbitre pouvoit comme maistre de cette grâce suffisante la rendre vaine ou efficace, suivant son bon plaisir.

Dieu laissa et permit au libre arbitre d’Adam le bon ou le mauvais usage de cette grâce.

Si Adam, par le moyen de cette grâce, eust persévéré, il eust mérité la gloire, c’est-à-dire d’estre éternellement confirmé en grace sans péril de pécher jamais : comme les bons Anges l’ont mérité par le mérite d’une grâce pareille.