Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/164

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qui fut corrompüe en luy comme un fruit sortant d’une mauvaise semence, tous les hommes sortis d’Adam naissent dans l’ignorance, dans la concupiscence, coupables du péché d’Adam, et dignes de la mort éternelle.

Le libre arbitre est demeuré flexible au bien et au mal ; mais avec cette différence, qu’au lieu qu’en Adam, il n’avoit aucun chatouillement au mal, et qu’il luy suffisoit de connoistre le bien pour s’y pouvoir porter, maintenant il a une suavité et une délectation si puissante dans le mal par la concupiscence qu’infailliblement il s’y porte de luy-mesme comme à son bien, et qu’il le choisit volontairement et très librement et avec joye comme l’objet où il sent sa béatitude.

Tous les hommes estant dans cette masse corrompuë également dignes de la mort éternelle, et de la colère de Dieu, Dieu pouvoit avec justice les abandonner tous sans miséricorde à la damnation.

Et néanmoins il plaist à Dieu de choisir, elire et discerner de cette masse également corrompuë, et où il ne voyoit que de mauvais mérites, un nombre d’hommes de tout sexe, ages, conditions, complexions, de tous les païs, de tous les tems, et enfin de toutes sortes.

Que Dieu a discerné ses Elûs d’avec les autres par des raisons inconnues aux hommes et aux anges et par une pure miséricorde sans aucun mérite.

Que les Elûs de Dieu font une Universalité, qui esttantost appellée monde parce qu’ils sont répandus