Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/217

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ruption, on n’ait trouvé après sa mort que des matériaux informes et en petite quantité ?

D’ailleurs, comme la plupart se sont voulu figurer par avance ce que ce pourrait être que cet ouvrage et que chacun s’est imaginé que M. Pascal aurait dû s’y prendre comme il aurait fait lui-même, il est certain que bien des gens y seront trompés.

Ceux qui ne trouvent rien d’assuré que les preuves de géométrie en veulent de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme qui les conduisent de principe en principe comme leurs démonstrations. D’autres demandent de ces raisons com munes qui prouvent peu ou qui ne prouvent qu’à ceux qui sont déjà persuadés ; et d’autres des raisons métaphysiques, qui ne sont souvent que des subtilités peu capables de l’aire im pression sur l’esprit et dont il se défie toujours. Enfin il y en a qui n’ont de goût que pour ce qu’on appelle lieux communs et pour je ne sais quelle éloquence de mots, dénuée de vérité, qui ne fait qu’éblouir et ne va jamais jusqu’au cœur.

Il est certain que ni les uns ni les autres ne trouveront pas ce qu’ils demandent dans ces fragments ; mais il est vrai aussi qu’ils l’y trouveraient s’ils n’étaient abusés par de fausses idées de ce qu’ils cherchent. Tout y est plein de traits d’une élo quence inimitable et de cette éloquence qui vient d’un senti ment vif des choses et d’une profonde intelligence et qui ne manque jamais de remuer et de produire quelque effet. Il y a des preuves métaphysiques aussi convaincantes qu’on en peut donner en cette matière ; des démonstrations même pour ceux qui s’y connaissent, fondées sur des principes aussi incon testables que ceux des géomètres.

Mais le malheur est que ces principes appartiennent plus au cœur qu’à l’esprit et que les hommes sont si peu accou tumés à étudier leur cœur qu’il n’y a rien qui leur soit plus inconnu. Ce n’est presque jamais là que se portent leurs médi tations : et quoiqu’ils ne fassent toute leur vie et en toutes choses, que suivre les mouvements de leur cœur, ce n’est que comme des aveugles qui se laissent mener sans savoir comment leurs guides sonl faits et sans rien connaître de ce qui se trouve dans leur chemin. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’ils soient insensibles aux lumières que Dieu y a mises, s’ils ne tournent jamais les yeux de ce côté-là et qu’ils ne cessent