Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/227

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porté une nouvelle lumière dans les ténèbres de son intérieur, non seulement il vit plus clairement ce qu’il y avait déjà aperçu ; mais il y trouva même un nombre infini de choses qui lui avaient échappé, et qui n’avaient jamais été décou vertes par aucun de ceux qui s’y sont le plus appliqués.

Il admire ensuite, non seulement que ce livre fasse mieux connaître l’homme qu’il ne se connaît lui-même, mais aussi qu’il soit le seul au monde qui ait dignement parlé de l’Etre souverain, et qu’il le lui fasse concevoir autant au-dessus de ce qu’il s’en était imaginé, que tout ce qu’il avait vu jusque-là lui paraissait au-dessous : et en ellet, quand il n’y aurait que cela qu’il est l’unique qui, l’obligeant de connaître un Dieu, ait parlé de l’aimer et de ne rien faire que pour lui, il est l’unique qui mérite qu’on s’y arrête. Car enfin, n’ayant rien que nous ne tenions de Dieu, ni mouvement, ni vie, ni pen sée, nous ne faisons rien dont il ne doive être la fin, et toutes nos actions ne sont bonnes, ou mauvaises, que selon qu’elles tendent à ce but, ou qu’elles s’en écartent. Je ne parle pas de celles qui sont purement corporelles, et où notre volonté n’a point de part : celles-là ne sont pas proprement nôtres, et ne sont que partie des mouvements de ce grand corps de l’uni vers, qui glorifient Dieu à leur manière. Mais pour celles que nous faisons, parce que nous voulons les faire, il n’y en a point dont nous ne devions lui rendre compte, et qui ne doive lui marquer que nous ne voulons que ce qu’il veut, afin que tous les êtres créés, et ceux qui pensent, et ceux qui ne pensent point, soient dans une continuelle soumission à la volonté de leur auteur, qui ne peut avoir eu d’autre dessein en les créant.

Mais comme ce serait encore peu que d’accomplir cette volonté, si on ne l’aimait, et que ce ne serait presque qu’agir comme les choses inanimées, il a plu à Dieu de mettre dans l’homme une partie dominante, capable de choix et d’amour, et qui, penchant toujours du côté qu’elle aime le mieux, don nât la pente à tout le reste, et pût lui faire un sacrifice volon taire de l’homme tout entier.

C’est en peu de mots l’idée d’une religion véritable : ou il n’y en a point, ou c’est en cela qu’elle doit consister. Car la crainte, l’admiration, l’adoration même séparées de l’amour, ne sont que des sentiments morts, où le cœur n’a point de