Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/259

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quoi les convaincre et les confondre sans ressource, il s’ap pliqua à cet ouvrage, dont les parties qu’on a ramassées nous l’ont avoir tant de regrets qu’il n’ait pas pu les rassembler lui-même, et, avec tout ce qu’il aurait pu ajouter encore, en faire un composé d’une beauté achevée. Il en était assurément très capable. Mais Dieu, qui lui avait donné tout l’esprit né cessaire pour un si grand dessein, ne lui donna pas assez de santé pour le mettre ainsi dans sa perfection.

Il prétendait faire voir que la religion ebrétienne avait autant de marques de certitude que les choses qui sont reçues dans le monde pour les plus indubitables. Il ne se servait point pour cela de preuves métaphysiques : ce n’est pas qu’il les crût méprisables quand elles étaient bien mises dans leur jour ; mais il disait qu’elles étaient trop éloignées du raison nement ordinaire des hommes ; que tout le monde n’en était pas capable, et qu’à ceux qui l’étaient elles ne servaient qu’un moment, car une heure après ils ne savaient qu’en dire et ils craignaient d’être trompés. Il disait aussi que ces sortes de preuves ne peuvent nous conduire qu’à une connaissance spé culative de Dieu : et que connaître Dieu de cette sorte, était ne le connaître pas. Il ne devait pas non plus se servir des raisonnements ordinaires que l’on prend des ouvrages de la nature ; il les respectait pourtant, parce qu’ils étaient con sacrés par l’Ecriture sainte et conformes à la raison, mais il croyait qu’ils n’étaient pas assez proportionnés à l’esprit et à la disposition du cœur [de ceux] qu’il avait dessein de con vaincre. Il avait remarqué par expérience que bien loin qu’on les emportât par ce moyen, rien n’était plus capable au con traire de les rebuter et de leur ôter l’espérance de trouver la vérité, que de prétendre ainsi les convaincre par ces sortes de raisonnements contre lesquels ils se sont si souvent raidis, que l’endurcissement de leur cœur les a rendus sourds à cette voix delà nature : et qu’enfin ils étaient dans un aveuglement dont ils ne pouvaient sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication avec Dieu nous est ôtée, parce qu’il est écrit que personne ne connaît le Père que le Fils et celui à qui il plaît au Fils de le révéler 1.


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