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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/273

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tant à profit toutes les ressources que fournit le langage, usant suivant les circonstances du mot propre ou de la périphrase, et pour un même sens variant le langage selon l’intention. En résumé, beauté signifie vérité.

Section II. Misère de l’Homme sans Dieu.

Il n’est pas douteux que Pascal se soit proposé de saisir l’homme à vif, et de lui donner le sentiment de la misère où il est sans Dieu. Toute l’expérience de sa vie mondaine, mul tipliée par l’étude assidue de Montaigne et la lecture de Charron, devait être versée dans Y Apologie, où, selon les indi cations de Pascal, elle eût fourni la matière d’une Première Partie. La démarche initiale de la méthode qu’il avait décou verte pour entraîner la volonté, c’est de s’associer à cette volonté même ; l’exposé didactique de la vérité religieuse, si clair et si bien divisé qu’il soit, laissera indifférent et froid l’homme sans religion ; mais ouvrez devant le libertin le cœur même du libertin ; parlez-lui de lui-même, et il ne pourra manquer de prendre intérêt à votre discours, de retrouver en lui la vérité de ce que vous dites ; par cette ouverture vous aurez prise sur lui, et vous communiquerez à vos paroles leur véritable force de persuasion.

Pascal demande donc à l’homme de se connaître lui-même. Qu’est-ce que l’homme ? et qu’est-ce que l’homme dans le monde ? La science et la philosophie ont pour objet la défini tion de l’homme. Il semble que l’homme puisse être défini, puisqu’il est un être fini. Mais qu’est-ce que le fini ? Dans la réalité il n’y a rien de fini. Dès que l’homme veut s’attacher à la nature, il se perd dans le double abîme de l’infiniment grand et de l’infiniment petit : il ne peut rien savoir de cette nature, sinon qu’il y a disproportion entre elle et lui. La pre mière démarche de la science, c’est de décrire l’univers, et cette première démarche suffit pour manifester l’impossibilité de la science. Se détourne-t-il du monde extérieur pour ren trer en lui-même ? l’homme ne trouve rien en lui qui soit substantiel et qui lui présente quelque vérité. Il est le jouet, ou plus exactement il est le produit des « puissances trom peuses ». L’imagination nous dicte nos désirs, comme nos décisions, et elle sait nous rendre heureux d’un bonheur