Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/38

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si son édition est encore plus « arrangée », plus distante du manuscrit autographe que l’édition de 1670.

Non qu’il y ait lieu de prêter à Condorcet la moindre intention de dénigrer, ou de défigurer Pascal. Il admire l’écrivain, il approuve sa méthode, qui s’adresse au cœur et passionne les hommes pour la vérité ; surtout il respecte le savant, qui a trouvé, dit la Préface, « le secret de peser l’air et d’assujettir au calcul les effets du hasard ». Mais il juge Pascal de haut, en toute bonne foi et en toute certitude, avec le droit que lui donnent cent ans de progrès dans la culture de la raison. Tandis que « Des cartes opère dans les esprits » la « révolution à laquelle l’humanité devra son bonheur, si ce bonheur est possible », , Pascal, « grand géomètre, doué d’un génie égal pour imaginer des expériences », demeure étranger à la philosophie ; il se retourne vers le passé, il en partage les pré jugés, il en défend les traditions. Or cette contradiction tient, suivant Condorcet, à l’inexactitude et à l’insuffisance des applications que fait Pascal du calcul des probabilités. Il sépare le monde en deux : le monde des mathématiques où il est permis de posséder la vérité, le monde moral qui est tout entier confusion et impuissance, au lieu de demander à la méthode des probabilités de mesurer le passage graduel qui se fait de l’ignorance et de l’incertitude à la science et à la lumière, de la passion et de la corruption à la raison et à la sagesse.

On comprendra maintenant comment Condorcet s’y est pris pour réparer « le tort que le zèle aveugle des amis de Pascal a fait à sa mémoire ». À la vie de Mme Périer « plus occupée de prouver que son frère était un saint que de faire connaître un grand homme », il a substitué l’Éloge de Condorcet qui a « le mérite, bien rare aujourd’hui, de n’être point infecté de l’esprit de parti ». Il a ensuite