Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/79

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au contre, selon qu’on a de lumière. » Or le titre de cette pensée est Raison des Effets (cf. fr. 234 et 235, 334, 335 et 336), et Pascal a reproduit ce même titre en tête d’une réflexion qui vise Épictète et montre l’impuissance du naturalisme stoïcien en face de la grâce chrétienne (fr. 467). Ne pouvons-nous conclure de ce rapprochement que la supériorité des chrétiens apparaît également à Pascal et dans la controverse qui divise le peuple et les demi-habiles sur le sujet de la justice sociale, et dans le débat sur la vérité qui met aux prises les pyrrhoniens et les dogmatiques ? Seuls les chrétiens ont vu la cause, « la raison des effets » ; seuls ils justifient, en s’élevant à un point de vue supé rieur qui fait apercevoir les racines de l’une et de l’autre, la thèse affirmative et la thèse négative. La dialectique de la justice dont Pascal a marqué les degrés avec tant de précision nous paraît donc préluder à la dialectique sur la vérité qui accuse par les oppositions des philosophes les deux aspects inséparables de la nature humaine, la misère et la grandeur, afin de montrer comment la noblesse et l’humilité se complètent et se corrigent dans la croyance au divin Médiateur.

Reste enfin à relier cette Apologétique abstraite et intérieure à la partie externe et positive que nous avons d’abord décrite. Telles que Pascal les présente, la morale et la doctrine du christianisme offrent une ambiguïté essentielle, puisqu’elles doivent être lettre close pour ceux à qui Dieu n’a pas accordé sa grâce, comme elles seront transparentes pour ceux qui ont l’inspiration du cœur. C’est à cette ambiguïté qu’il convient de se référer pour comprendre le caractère que la religion chrétienne a dû présenter dans l’histoire, et la nature nécessairement équivoque des preuves qui peuvent être tirées des prophéties et des miracles. Ainsi se fait la transition entre