Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/108

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tres, de fermiers envers leurs seigneurs, d’ouvriers envers leurs patrons, qui, à notre époque de morgue insolente et de ridicule orgueil, ne se reproduiraient certainement plus.

Benjamin pria sa sœur d’aller tirer une bouteille de vin blanc, pour trinquer avec Cicéron. Sa sœur en tire une, puis deux, puis trois et jusqu’à sept.

— Ma chère sœur, je vous en prie, encore une bouteille.

— Mais tu ne sais donc pas, malheureux, que tu en es à la huitième.

— Vous savez bien, chère sœur, que nous ne comptons pas ensemble.

— Mais tu sais bien, toi, que tu as un voyage à faire.

— Encore cette dernière bouteille, et je pars.

— Oui, tu es dans un bel état pour partir ! Et si on venait te chercher pour visiter un malade ?

— Que vous savez peu, ma bonne sœur, apprécier les effets du vin !… On voit que vous ne buvez que les eaux limpides du Beuvron. Faut-il partir ? mon centre de gravité est toujours à la même place. Faut-il saigner ?… Mais, à propos, ma sœur, il faut que je vous saigne. Machecourt me l’a recommandé en partant. Vous vous plaigniez ce matin d’un grand mal de tête, une saignée vous fera du bien.

Et Benjamin de tirer sa trousse, et ma grand’mère de s’armer des pincettes.

— Diable ! vous faites un malade bien récalcitrant. Eh bien ! transigeons ; je ne vous saignerai point, et vous irez nous tirer une huitième bouteille de vin.

— Je n’en tirerai pas un verre.

— Ce sera donc moi qui la tirerai, dit Benjamin ; et prenant la bouteille, il se dirigea vers la cave.