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Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/122

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» Chez la caste des sires, l’orgueil va jusqu’à la démence. On les compare à Jupiter tenant la foudre, et ils ne se trouvent pas trop honorés de la comparaison. La foudre de moins, et ils se fâcheraient. Cependant Jupiter a la goutte, et il faut deux valets pour le mener à sa table ou à son lit. Le rimeur Boileau a, de son autorité privée, ordonné aux vents de se taire, attendu qu’il allait parler de Louis XIV :

    Et vous, vents, faites silence,
    Je vais parler de Louis.

» Et Louis XIV n’a rien vu en cela que de très naturel ; seulement il n’a pas songé d’ordonner aux commandants de ses vaisseaux de parler de Louis pour apaiser les tempêtes.

» Ils croient tous, les pauvres fous, que l’espace de terre où ils règnent est à eux ; que Dieu le donna à Eudes, fonds et tréfonds, pour en jouir, sans trouble ni obstacle, lui et ses descendants. Qu’un courtisan leur dise que Dieu a fait la Seine tout exprès pour alimenter le grand bassin des Tuileries, ils le tiendront pour homme d’esprit. Ils regardent ces millions d’hommes qui sont autour d’eux comme une propriété dont on ne saurait, sous peine de pendaison, leur contester le titre ; les uns sont venus au monde pour leur fournir de l’argent ; les autres, pour mourir dans leurs querelles ; quelques-uns, qui ont le sang plus limpide et plus rose, pour leur procréer des maîtresses. Tout cela résulte évidemment de la croix qu’un vieil archevêque, de sa main caduque, leur a faite sur le front.

» Ils vous prennent un homme dans la force de la jeunesse, ils lui mettent un fusil entre les mains, un sac sur le dos, ils le marquent à la tête d’une cocarde, puis ils lui disent : Mon confrère de Prusse a des torts envers moi, tu vas courir sus à tous ses sujets. Je les ai fait prévenir par mon huissier, que j’appelle un héraut, que, le 1er avril prochain, tu auras l’honneur de te présenter sur la frontière pour les égorger, et qu’ils eussent à se tenir prêts à te bien recevoir.