Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/224

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depuis six mois. Vous, vous jouissez d’une santé parfaite, je n’ai pas eu l’occasion de vous fournir une médecine, vous avez une mine comme une de vos pièces de nankin, et Mme Bonteint ressemble à une statuette de beurre frais. Voilà ce qui m’a trompé, j’ai cru que vous seriez l’honneur de ma clientèle ; si j’avais su alors ce que je sais, je ne vous aurais pas donné ma pratique.

— Mais, monsieur Rathery, il me semble que ni Mme Bonteint ni moi ne sommes obligés d’être malades pour vous fournir les moyens de vous libérer.

— Et moi je vous déclare, monsieur Bonteint, que vous y êtes moralement obligé. Comment feriez-vous pour payer vos traites, vous, si vos clients ne portaient pas d’habits ? Cette obstination à vous bien porter est un procédé abominable ; c’est un guet-apens que vous m’avez tendu ; vous devriez à l’heure qu’il est avoir sur mon registre une note de 50 écus ; je vous déduis 130 francs 10 sous 6 deniers pour les maladies que vous auriez dû faire. Vous conviendrez que je suis raisonnable. Vous êtes bien heureux d’avoir à payer la médecine sans avoir eu recours au médecin, et j’en sais plusieurs qui voudraient être à votre place. Ainsi donc, si de 150 francs 10 sous 6 deniers, nous retranchons 130 francs 10 sous 6 deniers, c’est 20 francs que je vous redois ; si vous les voulez, les voilà ; je vous conseille en ami de les prendre, vous ne retrouverez pas de sitôt une pareille occasion.

— Comme acompte, dit M. Bonteint, je les prendrais volontiers.

— Comme solde définitif de tout compte, reprit mon oncle, et encore j’ai besoin de toute ma force d’âme pour vous faire ce sacrifice. Je destinais cet argent à un déjeuner de garçons ; j’avais même l’intention de vous y inviter, quoique vous soyez père de famille.

— Voilà encore de vos mauvaises plaisanteries, monsieur Rathery, jamais