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Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/231

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— Et parce que mes chemises tombent en loques d’un côté pendant que vous les raccommodez de l’autre, il faut que je manque à la probité, n’est-ce pas, ma chère sœur ?

— Mais, tes créanciers, quand les paieras-tu ?

— Quand j’aurai de l’argent, voilà tout ; je défie le plus riche de faire mieux.

— Et le marchand de toile, que lui dirai-je ?

— Dites-lui tout ce que vous voudrez ; dites-lui que je ne porte pas de chemises, ou que j’en ai trois cents douzaines dans mes armoires ; il choisira celle de ces deux raisons qui lui conviendra le mieux.

— Va, mon pauvre Benjamin, dit ma grand’mère en emportant sa toile, avec ton esprit tu ne seras jamais qu’un imbécile.

— Au fait, dit Page, quand ma grand’mère fut au bas de l’escalier, ta chère sœur a raison, tu pousses la probité jusqu’à la niaiserie.

Mon oncle se leva avec vivacité, et serrant le bras de l’avocat dans sa main de fer à le faire crier :

— Page, lui dit-il, ceci n’est pas simplement de la probité, c’est un noble et légitime orgueil ; c’est du respect, non seulement pour moi-même, mais encore pour notre pauvre caste opprimée. Veux-tu que je laisse dire à ce hobereau qu’il m’a offert une espèce de pourboire, et que je l’ai accepté ? qu’ils nous renvoient, eux dont l’écusson n’est qu’une plaque de mendiant, ce reproche de mendicité que nous leur avons si souvent adressé ? que nous leur donnions le droit de proclamer que, nous aussi, nous recevons l’aumône quand on veut bien nous la faire ? Écoute, Page, tu sais si j’aime le bourgogne ; tu sais aussi, d’après ce que vient de dire ma chère sœur, si j’ai besoin de chemises ; mais pour tous les vi-