Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/245

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— Et si j’acceptais, à quelle circonstance devrais-je donc cet avantage ?

— Je vais t’expliquer cela en deux mots : c’est un riche marchand de bois de Paris auquel j’ai gagné une importante affaire et qui m’a invité à dîner avec son procureur qu’il ne connaît pas. Nous sommes dans le carnaval ; j’ai décidé que ce serait toi qui serais son procureur, et j’allais au-devant de toi pour t’en prévenir. C’est une aventure digne de nous, Benjamin, et je n’ai pas sans doute présumé de ton génie en espérant que tu y prendrais un rôle.

— C’est, en effet, dit Benjamin, une partie de masques fort bien conçue. Mais je ne sais, ajouta-t-il en riant, si l’honneur et la délicatesse me permettent de faire le personnage de procureur.

— À table, dit Page, le plus honnête homme est celui qui vide le plus consciencieusement son verre.

— Oui, mais si ton marchand de bois me parle de son affaire ?

— Je répondrai pour toi.

— Et si demain il lui prend fantaisie de rendre visite à son procureur ?

— C’est chez toi que je le conduirai.

— Tout cela c’est très bien, mais je n’ai pas, j’ose du moins m’en flatter, l’effigie d’un procureur.

— Tu la prendras, tu as bien déjà su te faire passer pour le Juif-Errant.

— Et mon habit rouge ?

— Notre homme est un badaud de Paris, nous lui ferons croire que tels sont en province les insignes des procureurs.

— Et mon épée ?