Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/258

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tant de faire baptiser votre poupon ? Est-ce une terrine de foie gras ou un jambon de Mayence qui se gâterait s’il n’était salé de suite ? Attendez qu’il ait vingt-cinq ans ; au moins, il pourra répondre lui-même, et alors, s’il lui faut une caution, je saurai ce que j’ai à faire. Jusqu’à dix-huit ans, votre fils ne pourra prendre un enrôlement dans l’armée : jusqu’à vingt et un ans, il ne pourra contracter d’engagements civils ; jusqu’à vingt-cinq ans, il ne pourra se marier sans votre consentement et celui de Machecourt, et vous voulez qu’à neuf jours il ait assez de discernement pour se choisir une religion. Allons donc ! vous voyez bien vous-même que cela n’est pas raisonnable.

— Oh ! ma chère dame, s’écria la sage-femme, épouvantée de la logique hétérodoxe de mon oncle, votre frère est un damné. Gardez-vous bien de le donner pour parrain à votre enfant, cela lui porterait malheur !

— Madame Lalande, dit Benjamin d’un ton sévère, un cours d’accouchement n’est pas un cours de logique. Il y aurait lâcheté de ma part à discuter avec vous ; je me contenterai de vous demander si Saint Jean baptisait dans le Jourdain, moyennant un sesterce et un cornet de dattes sèches, des néophytes apportés de Jérusalem sur les bras de leur nourrice.

— Ma foi ! dit Mme Lalande, embarrassée de l’objection, j’aime mieux le croire que d’y aller voir.

— Comment, madame, vous aimez mieux le croire que d’y aller voir ! est-ce là le langage d’une sage-femme instruite de sa religion ? Eh bien ! puisque vous le prenez sur ce ton, je me ferai l’honneur de vous poser ce dilemme…

— Laisse-nous donc tranquilles avec tes dilemmes, interrompit ma grand’mère, est-ce que Mme Lalande sait ce que c’est qu’un dilemme ?

— Comment, madame, fit la sage-femme piquée de l’observation