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XIV

Plaidoyer de mon oncle devant le bailli.

Le samedi suivant, veille de la cérémonie du baptême, mon oncle était cité à comparaître devant M. le bailli pour s’entendre condamner par corps à payer au sieur Bonteint la somme de cent cinquante francs dix sols six deniers pour marchandises à lui vendues ; ainsi s’exprimait la cédule, dont le coût était de quatre francs cinq sols.

Un autre que mon oncle eût déploré son sort, sur tous les tons de l’élégie ; mais l’âme de ce grand homme était inaccessible aux atteintes de la fortune. Ce tourbillon de misère que la société soulève autour d’elle, cette vapeur de larmes dont elle est enveloppée, ne pouvaient monter jusqu’à lui ; il avait son corps au milieu des fanges de l’humanité : quand il avait trop bu, il avait mal à la tête ; quand il avait marché trop longtemps, il était las ; quand le chemin était boueux, il se crottait jusqu’à l’échine ; enfin, quand il n’avait pas d’argent pour payer son écot, l’aubergiste le couchait