Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/310

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— Vous faites attendre bien longtemps, monsieur, ceux qui ont une réparation à vous demander.

— C’est que je déjeunais, répondit mon oncle.

— J’ai à vous remettre, de la part de M. de Pont-Cassé, une lettre dont il m’a chargé de lui apporter la réponse.

— Voyons donc ce que me marque cet estimable gentilhomme : « Monsieur, vu l’énormité de l’outrage que vous m’avez fait… » – Quel outrage ! je l’ai porté d’un salon sur un escalier ; je voudrais bien qu’on m’outrageât ainsi jusqu’à Clamecy… – « je consens à croiser le fer avec vous. » – La grande âme !… quoi ! il daigne m’accorder la faveur d’être estropié par lui !…, voilà de la générosité, ou je ne m’y connais pas ! – « j’espère que vous vous rendrez digne de l’honneur que je vous fais en l’acceptant. » – Comment donc ! mais ce serait de ma part une noire ingratitude si je refusais. Vous pouvez dire à votre ami que s’il me met à l’ombre comme le brave Desrivières, l’intrépide Bellerive, etc., etc., je veux qu’on écrive sur ma tombe en lettres d’or : Ci-gît Benjamin Rathery, tué en duel par un gentilhomme. – Post-scriptum. Tiens, le billet de votre ami a un post-scriptum. « Je vous attendrai demain à dix heures du matin au lieu dit la Chaume-des-Fertiaux. » Au lieu dit la Chaume-des-Fertiaux ! parole d’honneur, un huissier ne libellerait pas mieux. Mais c’est que la Chaume-des-Fertiaux est à une bonne lieue de Clamecy : moi qui n’ai pas d’alezan brûlé, je n’ai pas le temps de faire tant de chemin pour me battre. Si votre ami daignait se rendre au lieu dit la Croix-des-Michelins, ce serait moi qui aurais l’honneur de l’y attendre.

— Et où se trouve cette Croix-des-Michelins ?

— Sur le chemin de Corvol, au sommet du faubourg de Beuvron. Il faudrait que votre ami fût bien pessimiste pour qu’il n’agréât pas ce lieu ; de cette place, on jouit d’un panorama digne