Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/341

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ne veux pas m’en aller fâché avec la vie, et c’est le verre à la main que je prétends lui faire mes adieux. Tu insisteras auprès d’eux pour qu’ils acceptent mon invitation, et tu leur en feras, s’il le faut, un devoir.

— J’irai moi-même les inviter, dit mon oncle, et je me fais fort qu’aucun d’eux ne nous fera défaut.

— Maintenant, passons à un autre ordre d’idées. Je ne veux pas être enterré dans le cimetière de la paroisse ; il est dans un fond, il est froid et humide, et l’ombre de l’église s’étend sur toute sa face comme un crêpe, je serais mal en cet endroit, et tu sais que j’aime mes aises. Je désire que tu m’ensevelisses dans ma prairie, au bord de ce ruisseau dont j’aime l’harmonieuse chanson. – Il arracha une poignée d’herbe et dit : – Tiens, voici le lieu où je veux qu’on creuse mon dernier gîte. Tu y planteras un berceau de vigne et de chèvrefeuille, afin que la verdure en soit entremêlée de fleurs, et tu iras quelquefois y rêver à ton vieil ami. Afin que tu y viennes plus souvent, et aussi, pour qu’on ne dérange pas mon sommeil, je te laisse ce domaine et toutes mes autres propriétés ; mais c’est à deux conditions : la première, c’est que tu habiteras la maison que je vais laisser vide, et la seconde, que tu continueras à mes clients les soins que depuis trente ans je leur donnais.

— J’accepte avec reconnaissance ce double héritage, dit mon oncle, mais je vous préviens que je ne veux pas aller aux foires.

— Accordé, dit M. Minxit.

— Quant à vos clients, ajouta Benjamin, je les traiterai en conscience et d’après le système de Tissot, qui me paraît fondé sur l’expérience et la raison. Allez, le premier qui s’en ira là-bas vous donnera de mes nouvelles.