Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/51

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par un pieux devoir dans le sombre jardin des morts, se détournera de quelques tombes pour dire un petit bonjour à mon ombre ! »

Et plus loin :

« Ce nom de pamphlétaire que vous me jetez, je le ramasse, je m’en fais un titre de gloire. Dire la vérité aux hommes ; c’est, quoique vous en écriviez, un noble métier. Peu m’importe que quelques vieilles cigales et deux ou trois scarabées qui n’ont plus d’ailes, fassent bourdonner autour de moi leurs petites colères ; j’ai la conscience d’avoir fait un bon usage du peu d’intelligence que Dieu m’a départi. J’aime mieux être en paix avec moi-même qu’avec autrui, et je préfère mon estime à celle d’un ramas de badauds qui ne me connaissent ni ne me comprennent.

« Comme écrivain, qu’ont-ils à me reprocher ? J’ai toujours pris parti pour le faible contre le fort, toujours demeuré sous les tentes déchirées des vaincus, et couché à leur dur bivouac. J’ai bien, à la vérité, biffé quelques épithètes trop somptueuses que certains ajoutaient à leurs noms ; j’ai bien crevé à quelques amours-propres bouffis leur vessie ; mais les gens que j’ai traités ainsi, ils étaient du parti ennemi, et j’avais le droit de rogner leur importance. Je n’ai point outrepassé, envers eux, les droits de la guerre : quand ils se plaignent de moi, c’est comme si un vieux kaiserlick se plaignait d’avoir été blessé à Austerlitz par un soldat français.

« Ce sont des personnalités, soit ; mais chacun a sa manière de faire la guerre : les uns tirent à ceinture d’hommes et sur les masses ; moi je choisis mon ennemi et je l’ajuste. Quand c’est un personnage empanaché qui passe à ma portée, je lui donne toujours la préférence.

« Je n’ai qu’un nom ignoré, perdu parmi ces noms que la