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Page:Œuvres de C. Tillier - III.djvu/38

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LETTRES AU SYSTÈME.

moi, système, ne se trouverait-il pas des gens qui lui conseilleraient d’en référer à son armée ? Et que diriez-vous si ses grenadiers, comme autrefois ceux de Bonaparte, venaient arracher vos députés de leurs chaises curules, comme dit M. Dupin, en parlant de sa banquette ? Je crois qu’ils ne le feraient pas, dites-vous. Pourtant ils ont bien chargé le peuple qui leur est plus proche parent que vous, Monseigneur.

D’un autre côté, le peuple obéit à vos lois qu’il n’a point faites ; il obéit, parce qu’il sait qu’un mauvais état de choses vaut encore mieux qu’une bonne révolution, et que les améliorations doivent être obtenues par la raison et non arrachées par la violence. Cependant, si vos lois déjà rigoureuses devenaient tyranniques, si vos impôts déjà lourds devenaient insupportables, comment le peuple ferait-il pour obtenir justice ? il adresserait des pétitions à la chambre des députés, n’est-ce pas ? Mais les beaux esprits de la chambre riraient de ses incongruités de style ; le facétieux M. Dupin ferait des bons mots sur ses fautes d’orthographe. On trouverait, comme les Romains trouvaient quelquefois de leurs gladiateurs, qu’il ne souffre point avec grâce, et on passerait à l’ordre du jour. Alors, pour échapper à la tyrannie, il faudra qu’il se réfugie dans l’insurrection. Vous le voyez, la révolution est aux deux issues de votre système. Prenez-y garde, un homme viendra, soit César, soit Spartacus !

Mais, sans ces causes, n’êtes-vous point frappé de ce grand mouvement des esprits vers l’égalité ? C’est un fleuve comprimé par des digues qui va lentement, mais qui va toujours. Une guerre sourde existe chez toutes les nations entre le droit et le fait. Prêtez l’oreille, vous entendrez partout un bruit de chaînes qu’on lime, de trônes qu’on scie par le pied. Les pauvres, ces forçats de la société, se demandent les uns aux autres s’ils sont moins hommes que ceux dont ils subissent la domination ; si cette terre qu’ils cultivent depuis l’aube jusqu’au soir ne doit produire pour eux que du pain noir, et un pur froment pour vous, vos valets et vos chiens ; s’ils ne