Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

y respire ; la chaleur du jour y est insupportable ; les fraîcheurs du soir y sont malsaines ; l’ombre des nuits y couvre des larcins et des meurtres. Que si vous craignez les hivers du Nord, comment à Rome, même avec des bosquets, des fontaines et des grottes, vous garantirez-vous aussi bien de la chaleur, que vous pourrez ici, avec un bon poêle ou une cheminée, vous garantir du froid ? Je vous attends avec une petite provision d’idées philosophiques qui vous feront peut-être quelque plaisir ; et, soit que vous veniez ou que vous ne veniez pas, je n’en serai pas moins votre tendre et fidèle ami. » Cette lettre est très intéressante. D’abord elle nous fait voir le goût de Descartes pour la Hollande, et la manière dont il y vivoit. Elle nous montre ensuite son imagination et le tour agréable qu’il savoit donner à ses idées. On a accusé la géométrie de dessécher l’esprit ; je ne sais s’il y a rien dans tout Balzac où il y ait autant d’esprit et d’agrément. L’imagination brillante de Descartes se décèle partout dans ses ouvrages ; et s’il n’avoit voulu être ni géomètre, ni philosophe, il n’auroit encore tenu qu’à lui d’être le plus bel-esprit de son temps.

(12) PAGE 22.

Le Discours sur la méthode parut le 8 juin 1637. Il étoit à la tête de ses Essais de philosophie. Descartes y indique les moyens qu’il a suivis pour tâcher de parvenir à la vérité, et ce qu’il faut faire encore pour aller plus avant. On y trouva une profondeur de méditation inconnue jusqu’alors. C’est là qu’est l’histoire de son fameux doute. Il a depuis répété cette histoire dans deux autres ouvrages, dans le premier livre de ses Principes, et dans la première de ses Méditations métaphysiques. Il falloit qu’il sentît bien vivement l’importance et la nécessité du doute, pour y revenir jusqu’à trois fois, lui qui étoit si avare de paroles. Mais il regardoit le doute comme la base de la philosophie, et le garant sûr des progrès qu’on pourroit y faire dans tous les siècles…