Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/122

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tendre intérêt qu’on prenoit à sa santé. La reine envoyoit savoir deux fois par jour de ses nouvelles. M. et madame de Chanut lui prodiguoient les soins les plus tendres et les plus officieux. Madame de Chanut ne le quitta point depuis sa maladie. Elle étoit présente à tout. Elle le servoit elle-même pendant le jour ; elle le soignoit durant les nuits. M. de Chanut, qui venoit d’être malade, et encore à peine convalescent, se traînoit souvent dans sa chambre, pour voir, pour consoler et pour soutenir son ami… Descartes mourant serroit par reconnoissance les mains qui le servoient ; mais ses forces s’épuisoient par degrés, et ne pouvoient plus suffire au sentiment. Le soir du neuvième jour, il eut une défaillance. Revenu un moment après, il sentit qu’il falloit mourir. On courut chez M. de Chanut ; il vint pour recueillir le dernier soupir et les dernières paroles d’un ami : mais il ne parloit plus. On le vit seulement lever les yeux au ciel, comme un homme qui imploroit Dieu pour la dernière fois. En effet, il mourut la même nuit, le 11 février, à quatre heures du matin, âgé de près de cinquante-quatre ans. M. de Chanut, accablé de douleur, envoya aussitôt son secrétaire au palais, pour avertir la reine à son lever que Descartes étoit mort. Christine en l’apprenant versa des larmes. Elle voulut le faire enterrer auprès des rois, et lui élever un mausolée. Des vues de religion s’opposèrent à ce dessein. M. de Chanut demanda et obtint qu’il fût enterré avec simplicité dans un cimetière, parmi les catholiques. Un prêtre, quelques flambeaux, et quatre personnes de marque qui étoient aux quatre coins du cercueil, voilà quelle fut la pompe funèbre de Descartes. M. de Chanut, pour honorer la mémoire de son ami et d’un grand homme, fit élever sur son tombeau une pyramide carrée, avec des inscriptions. La Hollande, où il avoit été persécuté de son vivant, fit frapper en son honneur une médaille, dès qu’il fut mort. Seize ans après, c’est-à-dire en 1666, son corps fut transporté en France. On coucha ses ossements sur les cendres qui restoient, et on les enferma dans un cercueil de cuivre. C’est ainsi qu’ils arrivèrent à Paris, où on les déposa