Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/237

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que leurs natures ne sont pas seulement diverses, mais même en quelque façon contraires. Or je n’ai pas traité plus avant de cette matière dans cet écrit, tant parceque cela suffit pour montrer assez clairement que de la corruption du corps la mort de l’âme ne s’ensuit pas, et ainsi pour donner aux hommes l’espérance d’une seconde vie après la mort ; comme aussi parceque les prémisses desquelles on peut conclure l’immortalité de l’âme dépendent de l’explication de toute la physique : premièrement, pour savoir que généralement toutes les substances, c’est-à-dire toutes les choses qui ne peuvent exister sans être créées de Dieu, sont de leur nature incorruptibles, et qu’elles ne peuvent jamais cesser d’être, si Dieu même en leur déniant son concours ne les réduit au néant ; et ensuite pour remarquer que le corps pris en général est une substance, c’est pourquoi aussi il ne périt point ; mais que le corps humain, en tant qu’il diffère des autres corps, n’est composé que d’une certaine configuration de membres et d’autres semblables accidents, là où l’âme humaine n’est point ainsi composée d’aucuns accidents, mais est une pure substance. Car, encore que tous ses accidents se changent, par exemple encore qu’elle conçoive de certaines choses, qu’elle en veuille d’autres, et qu’elle en sente d’autres, etc., l’âme pourtant ne devient point autre ; au lieu que le corps humain devient une autre chose, de cela seul que la figure de quelques-unes de ses parties se trouve changée ; d’où il s’ensuit que le corps humain peut bien facilement périr, mais que l’esprit ou l’âme de l’homme (ce que je ne distingue point) est immortelle de sa nature.




Dans la troisième Méditation, j’ai, ce me semble, expliqué assez au long le principal argument dont je me sers pour