Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/248

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à l’état et à l’être que je possède, soit qu’ils l’attribuent à quelque destin ou fatalité, soit qu’ils le réfèrent au hasard, soit qu’ils veuillent que ce soit par une continuelle suite et liaison des choses, ou enfin par quelque autre manière ; puisque faillir et se tromper est une imperfection, d’autant moins puissant sera l’auteur qu’ils assigneront à mon origine, d’autant plus sera-t-il probable que je suis tellement imparfait que je me trompe toujours. Auxquelles raisons je n’ai certes rien à répondre ; mais enfin je suis contraint d’avouer qu’il n’y a rien de tout ce que je croyois autrefois être véritable dont je ne puisse en quelque façon douter ; et cela non point par inconsidération ou légèreté, mais pour des raisons très fortes et mûrement considérées : de sorte que désormais je ne dois pas moins soigneusement m’empêcher d’y donner créance qu’à ce qui seroit manifestement faux, si je veux trouver quelque chose de certain et d’assuré dans les sciences.

Mais il ne suffit pas d’avoir fait ces remarques, il faut encore que je prenne soin de m’en souvenir ; car ces anciennes et ordinaires opinions me reviennent encore souvent en la pensée, le long et familier usage qu’elles ont eu avec moi leur donnant droit d’occuper mon esprit contre mon gré, et de se rendre presque maîtresses de ma créance ; et je ne me désaccoutumerai jamais de