Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/302

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de manquements ; de façon que je ne me dois pas étonner si je me trompe. Et ainsi je connois que l’erreur, en tant que telle, n’est pas quelque chose de réel qui dépende de Dieu, mais que c’est seulement un défaut ; et partant que, pour faillir, je n’ai pas besoin d’une faculté qui m’ait été donnée de Dieu particulièrement pour cet effet : mais qu’il arrive que je me trompe de ce que la puissance que Dieu m’a donnée pour discerner le vrai d’avec le faux n’est pas en moi infinie.

Toutefois, cela ne me satisfait pas encore tout-à-fait, car l’erreur n’est pas une pure négation, c’est-à-dire n’est pas le simple défaut ou manquement de quelque perfection qui ne m’est point due, mais c’est une privation de quelque connoissance qu’il semble que je devrois avoir. Or, en considérant la nature de Dieu, il ne semble pas possible qu’il ait mis en moi quelque faculté qui ne soit pas parfaite en son genre, c’est-à-dire qui manque de quelque perfection qui lui soit due : car, s’il est vrai que plus l’artisan est expert, plus les ouvrages qui sortent de ses mains sont parfaits et accomplis, quelle chose peut avoir été produite par ce souverain Créateur de l’univers qui ne soit parfaite et entièrement achevée en toutes ses parties ? Et certes, il n’y a point de doute que Dieu n’ait pu me créer tel que je ne me trompasse jamais : il est certain aussi qu’il veut toujours ce qui