Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/305

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infinité de choses dans le monde, dont je n’ai aucune idée en mon entendement, on ne peut pas dire pour cela qu’il soit privé de ces idées, comme de quelque chose qui soit due à sa nature, mais seulement qu’il ne les a pas ; parcequ’en effet il n’y a aucune raison qui puisse prouver que Dieu ait dû me donner une plus grande et plus ample faculté de connoître que celle qu’il m’a donnée : et, quelque adroit et savant ouvrier que je me le représente, je ne dois pas pour cela penser qu’il ait dû mettre dans chacun de ses ouvrages toutes les perfections qu’il peut mettre dans quelques uns. Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m’ait pas donné un libre arbitre ou une volonté assez ample et assez parfaite, puisqu’en effet je l’expérimente si ample et si étendue qu’elle n’est renfermée dans aucunes bornes. Et ce qui me semble ici bien remarquable, est que, de toutes les autres choses qui sont en moi, il n’y en a aucune si parfaite et si grande, que je ne reconnoisse bien qu’elle pourroit être encore plus grande et plus parfaite. Car, par exemple, si je considère la faculté de concevoir qui est en moi, je trouve qu’elle est d’une fort petite étendue, et grandement limitée, et tout ensemble je me représente l’idée d’une autre faculté beaucoup plus ample et même infinie ; et de cela seul que je puis me représenter son idée, je connois sans diffi-