Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/308

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D’où est-ce donc que naissent mes erreurs ? c’est à savoir de cela seul que la volonté étant beaucoup plus ample et plus étendue que l’entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que je l’étends aussi aux choses que je n’entends pas ; auxquelles étant de soi indifférente, elle s’égare fort aisément, et choisit le faux pour le vrai, et le mal pour le bien : ce qui fait que je me trompe et que je pèche.

Par exemple, examinant ces jours passés si quelque chose existoit véritablement dans le monde, et connoissant que de cela seul que j’examinois cette question, il suivoit très évidemment que j’existois moi-même, je ne pouvois pas m’empêcher de juger qu’une chose que je concevois si clairement étoit vraie ; non que je m’y trouvasse forcé par aucune cause extérieure, mais seulement parceque d’une grande clarté qui étoit en mon entendement, a suivi une grande inclination en ma volonté ; et je me suis porté à croire avec d’autant plus de liberté, que je me suis trouvé avec moins d’indifférence. Au contraire, à présent je ne connois pas seulement que j’existe, en tant que je suis quelque chose qui pense ; mais il se présente aussi à mon esprit une certaine idée de la nature corporelle : ce qui fait que je doute si cette nature qui pense qui est en moi, ou plutôt que je suis moi-même, est différente de cette nature corporelle, ou bien