Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/334

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aucune connoissance, sinon celle que me donnoient ces mêmes idées, il ne me pouvait venir autre chose en l’esprit, sinon que ces choses-là étoient semblables aux idées qu’elles causoient. Et pourceque je me ressouvenois aussi que je m’étois plutôt servi des sens que de la raison, et que je reconnoissois que les idées que je formois de moi-même n’étoient pas si expresses que celles que je recevois par les sens, et même qu’elles étoient le plus souvent composées des parties de celles-ci, je me persuadois aisément que je n’avois aucune idée dans mon esprit, qui n’eût passé auparavant par mes sens. Ce n’était pas aussi sans quelque raison que je croyois que ce corps, lequel par un certain droit particulier j’appelais mien, m’appartenoit plus proprement et plus étroitement que pas un autre ; car en effet je n’en pouvois jamais être séparé comme des autres corps ; je ressentois en lui et pour lui tous mes appétits et toutes mes affections ; et enfin j’étois touché des sentiments de plaisir et de douleur en ses parties, et non pas en celles des autres corps qui en sont séparés. Mais quand j’examinois pourquoi de ce je ne sais quel sentiment de douleur suit la tristesse en l’esprit, et du sentiment de plaisir naît la joie, ou bien pourquoi cette je ne sais quelle émotion de l’estomac, que j’appelle faim, nous fait avoir envie de manger, et la sécheresse