Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et certes, de ce que je sens différentes sortes de couleurs, d’odeurs, de saveurs, de sons, de chaleur, de dureté, etc., je conclus fort bien qu’il y a dans les corps d’où procèdent toutes ces diverses perceptions des sens, quelques variétés qui leur répondent, quoique peut-être ces variétés ne leur soient point en effet semblables ; et de ce qu’entre ces diverses perceptions des sens, les unes me sont agréables, et les autres désagréables, il n’y a point de doute que mon corps ou plutôt moi-même tout entier, en tant que je suis composé de corps et d’âme, ne puisse recevoir diverses commodités ou incommodités des autres corps qui l’environnent.

Mais il y a plusieurs autres choses qu’il semble que la nature m’ait enseignées, lesquelles toutefois je n’ai pas véritablement apprises d’elle, mais qui se sont introduites en mon esprit par une certaine coutume que j’ai de juger inconsidérément des choses ; et ainsi il peut aisément arriver qu’elles contiennent quelque fausseté : comme, par exemple, l’opinion que j’ai que tout espace dans lequel il n’y a rien qui meuve, et fasse impression sur mes sens soit vide ; que dans un corps qui est chaud il y ait quelque chose de semblable à l’idée de la chaleur qui est en moi ; que dans un corps blanc ou noir, il y ait la même blancheur ou noirceur que je sens ; que dans un corps amer ou doux, il