Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

transportée par eux en Espagne, cultivée par les Italiens, avoit été agrandie et perfectionnée par un Français : mais, malgré les découvertes importantes de l’illustre Viète, malgré un pas ou deux qu’on avoit faits après lui en Angleterre, il restoit encore beaucoup à découvrir. Tel étoit le sort de Descartes, qu’il ne pouvoit approcher d’une science sans qu’aussitôt elle ne prît une face nouvelle. D’abord il travaille sur les méthodes de l’analyse pure : pour soulager l’imagination, il diminue le nombre des signes ; il représente par des chiffres les puissances des quantités, et simplifie, pour ainsi dire, le mécanisme algébrique. Il s’élève ensuite plus haut : il trouve sa fameuse méthode des indéterminées, artifice plein d’adresse, où l’art, conduit par le génie, surprend la vérité en paroissant s’éloigner d’elle ; il apprend à connoître le nombre et la nature des racines dans chaque équation par la combinaison successive des signes ; règle aussi utile que simple, que la jalousie et l’ignorance ont attaquée, que la rivalité nationale a disputée à Descartes, et qui n’a été démontrée que depuis quelques années[1]. C’est ainsi que les grands hommes découvrent, comme par inspiration, des vérités que les hommes ordinaires n’entendent quelquefois qu’au bout de cent ans de pratique et d’étude ; et celui qui démontre ces

  1. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1741.