Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/39

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doit être que calculé. Contentons-nous de remarquer ici que, par son analyse, Descartes fit faire plus de progrès à la géométrie qu’elle n’en avoit fait depuis la création du monde. Il abrégea les travaux, il multiplia les forces, il donna une nouvelle marche à l’esprit humain. C’est l’analyse qui a été l’instrument de toutes les grandes découvertes des modernes ; c’est l’analyse qui, dans les mains des Leibnitz, des Newton et des Bernoulli, a produit cette géométrie nouvelle et sublime qui soumet l’infini au calcul : voilà l’ouvrage de Descartes. Quel est donc cet homme extraordinaire qui a laissé si loin de lui tous les siècles passés, qui a ouvert de nouvelles routes aux siècles à venir, et qui dans le sien avoit à peine trois hommes qui fussent en état de l’entendre ? Il est vrai qu’il avoit répandu sur toute sa géométrie une certaine obscurité : soit qu’accoutumé à franchir d’un saut des intervalles immenses, il ne s’aperçût pas seulement de toutes les idées intermédiaires qu’il supprimoit, et qui sont des points d’appui nécessaires à la foiblesse ; soit que son dessein fût de secouer l’esprit humain, et de l’accoutumer aux grands efforts ; soit enfin que, tourmenté par des rivaux jaloux et foibles, il voulût une fois les accabler de son génie, et les épouvanter de toute la distance qui étoit entre eux et lui (16).

Mais ce qui prouve le mieux toute l’étendue de l’esprit de Descartes, c’est qu’il est le premier qui