Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/407

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existence ne nous vînt pas même en la pensée : car ne vois-je pas que moi, qui pense, j’ai quelque degré de perfection ? Et ne vois-je pas aussi que d’autres que moi ont un semblable degré ? ce qui me sert de fondement pour penser à quelque nombre que ce soit, et ainsi pour ajouter un degré de perfection à un autre jusqu’à l’infini ; tout de même que, bien qu’il n’y eût au monde qu’un degré de chaleur ou de lumière, je pourrois néanmoins en ajouter et en feindre toujours de nouveaux jusques à l’infini. Pourquoi pareillement ne pourrai-je pas ajouter à quelque degré d’être que j’aperçois être en moi, tel autre degré que ce soit, et, de tous les degrés capables d’être ajoutés, former l’idée d’un être parfait ? Mais, dites-vous, l’effet ne peut avoir aucun degré de perfection ou de réalité qui n’ait été auparavant dans sa cause ; mais, outre que nous voyons tous les jours que les mouches, et plusieurs autres animaux, comme aussi les plantes, sont produites par le soleil, la pluie et la terre, dans lesquels il n’y a point de vie comme en ces animaux, laquelle vie est plus noble qu’aucun autre degré purement corporel, d’où il arrive que l’effet tire quelque réalité de sa cause, qui néanmoins n’étoit pas dans sa cause ; mais, dis-je, cette idée n’est rien autre chose qu’un être de raison, qui n’est pas plus noble que votre esprit qui la conçoit. De plus, que savez-vous si cette idée se fût jamais