Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/437

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dont se servent les médecins quand ils déçoivent leurs malades pour les guérir, c’est-à-dire qui fût exempt de toute la malice qui se rencontre ordinairement dans la tromperie : mais, bien davantage, nous voyons quelquefois que nous sommes réellement trompés par cet instinct naturel qui nous a été donné de Dieu, comme lorsqu’un hydropique a soif ; car alors il est réellement poussé à boire par la nature qui lui a été donnée de Dieu pour la conservation de son corps, quoique néanmoins cette nature le trompe, puisque le boire lui doit être nuisible : mais j’ai expliqué, dans la sixième Méditation, comment cela peut compatir avec la bonté et la vérité de Dieu. Mais dans les choses qui ne peuvent pas être ainsi expliquées, à savoir, dans nos jugements très clairs et très exacts, lesquels s’ils étoient faux ne pourroient être corrigés par d’autres plus clairs, ni par l’aide d’aucune autre faculté naturelle, je soutiens hardiment que nous ne pouvons être trompés. Car Dieu étant le souverain être, il est aussi nécessairement le souverain bien et la souveraine vérité, et partant il répugne que quelque chose vienne de lui qui tende positivement à la fausseté. Mais puisqu’il ne peut y avoir en nous rien de réel qui ne nous ait été donné par lui, comme il a été démontré en prouvant son existence, et puisque nous avons en nous une faculté réelle pour connoître le vrai et le distinguer d’avec le faux, comme