Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous avons touchant cela toute la certitude qui se peut raisonnablement souhaiter. Car que nous importe si peut-être quelqu’un feint que cela même de la vérité duquel nous sommes si fortement persuadés paroît faux aux yeux de Dieu ou des anges, et que partant, absolument parlant, il est faux ; qu’avons-nous à faire de nous mettre en peine de cette fausseté absolue, puisque nous ne la croyons point du tout, et que nous n’en avons pas même le moindre soupçon ? Car nous supposons une croyance ou une persuasion si ferme qu’elle ne puisse être ébranlée ; laquelle par conséquent est en tout la même chose qu’une très parfaite certitude. Mais on peut bien douter si l’on a quelque certitude de cette nature, ou quelque persuasion qui soit ferme et immuable.

Et certes, il est manifeste qu’on n’en peut pas avoir des choses obscures et confuses, pour peu d’obscurité ou de confusion que nous y remarquions ; car cette obscurité, quelle qu’elle soit, est une cause assez suffisante pour nous faire douter de ces choses. On n’en peut pas aussi avoir des choses qui ne sont aperçues que par les sens, quelque clarté qu’il y ait en leur perception, parceque nous avons souvent remarqué que dans le sens il peut y avoir de l’erreur, comme lorsqu’un hydropique a soif ou que la neige paroît jaune à celui qui a la jaunisse : car celui-là ne la voit pas moins