Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/476

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sa couleur, sa dureté, sa figure, et tous ses autres actes soient changés, est toujours conçue être la même chose, c’est-à-dire la même matière sujette à tous ces changements. Or ce n’est pas par une autre pensée que j’infère que je pense : car encore que quelqu’un puisse penser qu’il a pensé, laquelle pensée n’est rien autre chose qu’un souvenir, néanmoins il est tout-à-fait impossible de penser qu’on pense, ni de savoir qu’on sait : car ce seroit une interrogation qui ne finiroit jamais, d’où savez-vous que vous savez que vous savez que vous savez, etc. ?

Et partant, puisque la connoissance de cette proposition, j’existe, dépend de la connoissance de celle-ci, je pense, et la connoissance de celle-ci de ce que nous ne pouvons séparer la pensée d’une matière qui pense, il semble qu’on doit plutôt inférer qu’une chose qui pense est matérielle qu’immatérielle.


RÉPONSE.

Où j’ai dit, c’est-à-dire un esprit, une âme, un entendement, une raison, etc., je n’ai point entendu par ces noms les seules facultés, mais les choses douées de la faculté de penser, comme par les deux premiers on a coutume d’entendre ; et assez souvent aussi par les deux derniers : ce que j’ai si souvent expliqué, et en termes si exprès, que je ne vois pas qu’il y ait eu lieu d’en douter.