Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/88

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Descartes étoit né avec une complexion très foible, et les médecins ne manquèrent pas de dire qu’il mourroit très jeune ; cependant il les trompa au moins d’une quarantaine d’années. Ayant perdu sa mère presque en naissant, il fut très redevable aux soins d’une nourrice, qui suppléa à la nature par tous les soins de la tendresse. Descartes en fut très reconnoissant ; il lui fit une pension viagère qui lui fut payée exactement jusqu’à la mort ; et, comme il n’étoit pas de ceux qui croient que l’argent acquitte tout, il joignoit encore à ces bienfaits les devoirs et l’attachement d’un fils. Son père ne voulut point fatiguer des organes encore foibles par des études prématurées ; il lui donna le temps de croître et de se fortifier. Mais l’esprit de Descartes alloit au-devant des instructions. Il n’avoit pas encore huit ans, et déjà on l’appeloit le philosophe. Il demandoit les causes et les effets de tout, et savoit ne pas entendre ce qui ne signifioit rien. En 1604, il fut mis au collége de La Flèche. Son imagination vive et ardente fut la première faculté de son âme qui se déploya. Il cultiva la poésie avec transport… Ce goût de la poésie lui demeura toujours, et peu de temps avant sa mort il fit des vers français à la cour de Suède. C’est une ressemblance qu’il eut avec Platon, et que Leibnitz eut avec lui. Il aimoit aussi beaucoup l’histoire, et passoit les jours et les nuits à lire ; mais cette passion ne devoit pas durer long-temps… Il étoit encore à La Flèche en 1610, lorsque le cœur du plus grand et du meilleur des rois, assassiné dans Paris, y fut porté pour être déposé dans la chapelle des jésuites. Il fut témoin de cette pompe cruelle, et nommé parmi les vingt-quatre gentilshommes qui allèrent au-devant de ce triste dépôt. Il étudioit alors en philosophie. Il y fit des progrès qui annoncèrent son génie ; car, au lieu d’apprendre, il doutoit. La logique de ses maîtres lui parut chargée d’une foule de préceptes ou inutiles ou dangereux ; il s’occupoit à