Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/93

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d’œil plus philosophique ne lui laissa voir que le malheur des hommes…

(6) PAGE 15.

Ce fut en 1625, au retour de son voyage d’Italie, que Descartes fit ses observations sur la cime des Alpes. Il est peu d’âmes sensibles ou fortes à qui la vue de ces montagnes n’inspire de grandes idées. L’homme mélancolique y voit une retraite délicieuse et sauvage, le guerrier s’y rappelle les armées qui les ont traversées, et le philosophe s’y occupe des phénomènes de la nature. Descartes y composa une partie de son système sur les grêles, les neiges, les tonnerres et les tourbillons de vents…

(7) PAGE 16.

Dès son enfance, Descartes avoit l’habitude de méditer. Lorsqu’il étoit à La Flèche, on lui permettoit, à cause de la foiblesse de sa santé, de passer une partie des matinées au lit. Il employoit ce temps à réfléchir profondément sur les objets de ses études ; et il en contracta l’habitude pour le reste de sa vie. Ce temps, où le sommeil a réparé les forces, où les sens sont calmes, où l’ombre et le demi-jour favorisent la rêverie, et où l’âme ne s’est point encore répandue sur les objets qui sont hors d’elle, lui paroissoit le plus propre à la pensée. C’est dans ces matinées qu’il a fait la plupart de ses découvertes, et arrangé ses mondes. Il porta à la guerre ce même esprit de méditation. En 1619, étant en quartier d’hiver sur les frontières de Bavière, dans un lieu très écarté, il y passa plusieurs mois dans une solitude profonde, uniquement occupé à méditer. Il cherchoit alors les moyens de créer une science nouvelle. Sa tête, fatiguée sans doute par la solitude ou par le travail, s’échauffa tellement, qu’il crut avoir des songes mystérieux. Il crut voir des fantômes ; il entendit une voix qui l’appeloit à la recherche de la vérité. Il ne douta point, dit