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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

[1]Je puis douter si j’ai un corps, voire même je puis douter s’il y a aucun corps au monde, et néanmoins je ne puis pas douter que je ne sois ou que je n’existe, tandis que je doute ou que je pense. Donc moi qui doute et qui pense, je ne suis point un corps ; autrement, en doutant du corps, je douterois de moi-même. Voire même encore que je soutienne opiniâtrément qu’il n’y a aucun corps au monde, cette vérité néanmoins subsiste toujours, je suis quelque chose, et partant je ne suis point un corps. Certes cela est subtil ; mais quelqu’un pourra dire, ce que même notre auteur s’objecte : de ce que je doute ou même de ce que je nie qu’il y ait aucun corps, il ne s’ensuit pas pour cela qu’il n’y en ait point.

« Mais aussi peut-il arriver que ces choses mêmes que je suppose n’être point parcequ’elles me sont inconnues, ne sont point en effet différentes de moi, que je connois. Je n’en sais rien, dit-il, je ne dispute pas maintenant de cela. Je ne puis donner mon jugement que des choses qui me sont connues ; je connois que j’existe, et je cherche quel je suis, moi que je connois être. Or il est très certain que cette notion et connoissance de moi-même, ainsi précisément prise, ne dépend point des choses dont l’existence ne m’est pas encore connue. »

  1. Voyez Méditation II, tome I, page 252.