Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ne les y portez vous-même, comment cela se peut-il faire sans aucune démarche de votre part ? Vous répondrez, mais « s’il est vrai que je n’aie point de corps, il est vrai aussi que je ne puis marcher » Si, en disant ceci, votre dessein est de nous jouer, ou si vous êtes jouée vous-même, il ne s’en fout pas beaucoup mettre en peine : que, si vous le dites tout de bon, il faut non seulement que vous prouviez que vous n’avez point de corps que vous informiez, mais aussi que vous n’êtes point de la nature de ces choses qui marchent et qui sont nourries.

Vous ajoutez encore à cela que « même vous n’avez aucun sentiment et ne sentez pas les choses. » Mais certes c’est vous-même qui voyez les couleurs, qui oiez les sons, etc. « Cela, dites-vous, ne se fait point sans corps. » Je le crois : mais premièrement vous en avez un, et vous êtes dans l’œil, lequel de vrai ne voit point sans vous ; et de plus vous pouvez être un corps fort subtil qui opériez par les organes des sens. « Il m’a semblé, dites-vous, sentir plusieurs choses en dormant, que j’ai depuis reconnu n’avoir point senties. » Mais, encore que vous vous trompiez, de ce que sans vous servir de l’œil il vous semble que vous sentiez ce qui ne se peut sentir sans lui, vous n’avez pas néanmoins toujours éprouvé la même fausseté : et puis vous vous en êtes servie autre-