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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/15

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

étendue, et néanmoins je suis assuré que je suis tandis que je le nie ou que je pense ; je suis donc une chose qui pense et non point un corps, et le corps n’appartient point à la connoissance que j’ai de moi-même. »

Mais je vois que de là il résulte seulement que je puis acquérir quelque connoissance de moi-même sans la connoissance du corps ; mais que cette connoissance soit complète et entière, en telle sorte que je sois assuré que je ne me trompe point lorsque j’exclus le corps de mon essence, cela ne m’est pas encore entièrement manifeste : par exemple, posons que quelqu’un sache que l’angle au demi-cercle est droit, et partant que le triangle fait de cet angle et du diamètre du cercle est rectangle ; mais qu’il doute et ne sache pas encore certainement, voire même qu’ayant été déçu par quelque sophisme il nie que le carré de la base d’un triangle rectangle soit égal aux carrés des côtés, il semble que, selon ce que propose M. Descartes, il doive se confirmer dans son erreur et fausse opinion : car, dira-t-il, je connois clairement et distinctement que ce triangle est rectangle, je doute néanmoins que le carré de sa base soit égal aux carrés des côtés ; donc il n’est pas de l’essence de ce triangle que le carré de sa base soit égal aux carrés des côtés. En après, encore que je nie que le carré de sa base soit égal aux carrés des côtés,