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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

qu’une chose reçoive l’être, et que néanmoins cette même chose ait l’être auparavant que nous ayons conçu qu’elle l’ait reçu. Or cela arriveroit si nous attribuions les notions de cause et d’effet à une même chose au regard de soi-même. Car quelle est la notion d’une cause ? donner l’être ; quelle est la notion d’un effet ? le recevoir. Or la notion de la cause précède naturellement la notion de l’effet.

Maintenant nous ne pouvons pas concevoir une chose sous la notion de cause, comme donnant l’être, si nous ne concevons qu’elle l’a : car personne ne peut donner ce qu’il n’a pas ; donc nous concevrions premièrement qu’une chose a l’être, que nous ne concevrions qu’elle l’a reçu ; et néanmoins en celui qui reçoit, recevoir précède l’avoir.

Cette raison peut être encore ainsi expliquée : personne ne donne ce qu’il n’a pas, donc personne ne se peut donner l’être, que celui qui l’a déjà ; or, s’il l’a déjà, pourquoi se le donneroit-il ?

Enfin, il dit « qu’il est manifeste, par la lumière naturelle, que la création n’est distinguée de la conservation que par la raison ; » mais il est aussi manifeste, par la même lumière naturelle, que rien ne se peut créer soi-même, ni par conséquent aussi se conserver.

Que si de la thèse générale nous descendons à l’hypothèse spéciale de Dieu, la chose sera encore à mon avis plus manifeste, à savoir que Dieu ne