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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/338

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ne l’ayons. Ainsi donc, lorsque quelqu’un aperçoit qu’il pense, et que de là il suit très évidemment qu’il existe, encore qu’il ne se soit peut-être jamais auparavant mis en peine de savoir ce que c’est que la pensée et que l’existence, il ne se peut faire néanmoins qu’il ne les connoisse assez l’une et l’autre pour être en cela pleinement satisfait.

[1] Il est aussi du tout impossible que celui qui d’un coté sait qu’il pense, et qui d’ailleurs connoît ce que c’est que d’être mû, puisse jamais croire qu’il se trompe et qu’en effet il ne pense point, mais qu’il est seulement mû : car ayant une idée ou notion tout autre de la pensée que du mouvement corporel, il faut de nécessité qu’il conçoive l’un comme différent de l’autre ; quoique pour s’être trop accoutumé à attribuer à un même sujet plusieurs propriétés différentes, et qui n’ont entre elles aucune affinité, il se puisse faire qu’il révoque en doute, ou même qu’il assure que c’est en lui la même chose qui pense et qui est mue. Or il faut remarquer que les choses dont nous avons différentes idées peuvent être prises en deux façons pour une seule et même chose ; c’est à savoir, ou en unité et identité de nature, ou seulement en unité de composition. Ainsi, par exemple, il est bien vrai que l’idée de la figure n’est pas la même que celle du mouvement ; que l’action par

  1. Voyez sixièmes objections, page 319 de ce volume.