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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/340

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

mon sentiment : car la distinction ou diversité que je remarque entre la nature d’une chose étendue et celle d’une chose qui pense ne me paroît pas moindre que celle qui est entre des os et de la chair.

[1] Mais pourcequ’en cet endroit on se sert d’autorités pour me combattre, je me trouve obligé, pour empêcher qu’elles ne portent aucun préjudice à la vérité, de répondre à ce qu’on m’objecte, que personne n’a encore pu comprendre ma démonstration, qu’encore bien qu’il y en ait fort peu qui l’aient soigneusement examinée, il s’en trouve néanmoins quelques uns qui se persuadent de l’entendre, et qui s’en tiennent entièrement convaincus. Et comme on doit ajouter plus de foi à un seul témoin qui, après avoir voyagé en Amérique, nous dit qu’il a vu des antipodes, qu’à mille autres qui ont nié ci-devant qu’il y en eût, sans en avoir d’autre raison sinon qu’ils ne le savoient pas ; de même ceux qui pèsent comme il faut la valeur des raisons doivent faire plus d’état de l’autorité d’un seul homme qui dit entendre fort bien une démonstration, que de celle de mille autres qui disent, sans raison, qu’elle n’a pu encore être comprise de personne : car, bien qu’ils ne l’entendent point, cela ne fait pas que d’autres ne la puissent entendre ; et pourcequ’en inférant l’un de l’autre ils font voir qu’ils ne sont pas assez exacts

  1. Voyez sixièmes objections, page 319 de ce volume.