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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

que peut-être ils ne fassent pas les bêtes si raisonnables que les hommes, ils auront néanmoins occasion de croire qu’il y a en elles des esprits de semblable espèce que les nôtres.

[1] Pour ce qui regarde la science d’un athée, il est aisé de montrer qu’il ne peut rien savoir avec certitude et assurance ; car, comme j’ai déjà dit ci-devant, d’autant moins puissant sera celui qu’il reconnoîtra pour l’auteur de son être, d’autant plus aura-t-il occasion de douter si sa nature n’est point tellement imparfaite qu’il se trompe, même dans les choses qui lui semblent très évidentes : et jamais il ne pourra être délivré de ce doute, si premièrement il ne reconnoît qu’il a été créé par un Dieu, principe de toute vérité, et qui ne peut être trompeur. [2] Et on peut voir clairement qu’il est impossible que Dieu soit trompeur, pourvu qu’on veuille considérer que la forme ou l’essence de la tromperie est un non être, vers lequel jamais le souverain Être ne se peut porter. Aussi tous les théologiens sont-ils d’accord de cette vérité, qu’on peut dire être la base et le fondement de la religion chrétienne, puisque toute la certitude de sa foi en dépend. Car comment pourrions-nous ajouter foi aux choses que Dieu nous a révélées, si nous pensions qu’il nous trompe quelquefois ? Et bien

  1. Voyez sixièmes objections, page 321 de ce volume.
  2. Voyez ibid., page 322 de ce volume.