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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

termine quelque chose touchant la grandeur, la figure et la distance de ce même bâton, quoiqu’on ait accoutumé de l’attribuer au sens, et que pour ce sujet je l’aie rapporté à un troisième degré de sentiment, c’est néanmoins une chose manifeste que cela ne dépend que de l’entendement seul ; et même j’ai fait voir dans la Dioptrique que la grandeur, la distance et la figure ne s’aperçoivent que par le raisonnement, en les déduisant les unes des autres. Mais il y a seulement ici cette différence, que nous attribuons à l’entendement les jugements nouveaux et non accoutumés que nous faisons touchant toutes les choses qui se présentent à nos sens, et que nous attribuons aux sens ceux que nous avons coutume de faire depuis notre enfance touchant les choses sensibles, à l’occasion des impressions qu’elles font dans les organes de nos sens ; dont la raison est que la coutume nous fait raisonner et juger si promptement de ces choses-là (ou plutôt nous fait ressouvenir des jugements que nous en avons faits autrefois), que nous ne distinguons point cette façon de juger d’avec la simple appréhension ou perception de nos sens. D’où il est manifeste que, lorsque nous disons que la certitude de l’entendement est plus grande que celle des sens, nos paroles ne signifient autre chose, sinon que les jugements que nous faisons dans un âge plus avancé, à cause de quelques nouvelles