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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/370

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

ture de la substance qui pense, je n’ai rien remarqué en elle qui pût appartenir au corps, et que je n’ai rien trouvé dans la nature du corps, considérée toute seule, qui pût appartenir à la pensée. Mais, au contraire, examinant tous les modes tant du corps que de l’esprit, je n’en ai remarqué pas un dont le concept ne dépendît entièrement du concept même de la chose dont il est le mode. Aussi, de ce que nous voyons souvent deux choses jointes ensemble, on ne peut pas pour cela inférer qu’elles ne sont qu’une même chose ; mais, de ce que nous voyons quelquefois l’une de ces choses sans l’autre, on peut fort bien conclure qu’elles sont diverses. Et il ne faut pas que la puissance de Dieu nous empêche de tirer cette conséquence ; car il n’y a pas moins de répugnance à penser que des choses que nous concevons clairement et distinctement comme deux choses diverses soient faites une même chose en essence et sans aucune composition, que de penser qu’on puisse séparer ce qui n’est aucunement distinct. Et partant, si Dieu a mis en certains corps la faculté de penser, comme en effet il l’a mise dans ceux des hommes, il peut, quand il voudra, l’en séparer, et ainsi elle ne laisse pas d’être réellement distincte de ces corps. Et je ne m’étonne pas d’avoir autrefois fort bien compris, avant même que je me fusse délivré des préjugés de notes sens, que « deux et trois joints en-