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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

noissance pleine et entière de quelque chose, il est seulement requis que la puissance de connoître qui est en lui, égale cette chose, ce qui se peut faire aisément ; mais, pour faire qu’il sache qu’il a une telle connoissance, ou bien que Dieu n’a rien mis de plus dans cette chose que ce qu’il en connoît, il faut que par sa puissance de connoître il égale la puissance infinie de Dieu, ce qui est entièrement impossible.

Or, pour connoître la distinction réelle qui est entre deux choses, il n’est pas nécessaire que la connoissance que nous avons de ces choses soit entière et parfaite, si nous ne savons en même temps qu’elle est telle : mais nous ne le pouvons jamais savoir, comme je viens de prouver ; donc il n’est pas nécessaire qu’elle soit entière et parfaite.

C’est pourquoi, où j’ai dit « qu’il ne suffit pas qu’une chose soit conçue sans une autre par une abstraction de l’esprit qui conçoit la chose imparfaitement, je n’ai pas pensé que de là l’on pût inférer que pour établir une distinction réelle, il fût besoin d’une connoissance entière et parfaite, mais seulement d’une qui fût telle que nous ne la rendissions point imparfaite et défectueuse par l’abstraction et restriction de notre esprit. Car il y a bien de la différence entre avoir une connoissance entièrement parfaite, de laquelle personne