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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

que deux choses soient conçues l’une sans l’autre comme deux choses complètes.

À la première demande je réponds que, par une chose complète, je n’entends autre chose qu’une substance revêtue de formes ou d’attributs qui suffisent pour me faire connoître qu’elle est une substance.

Car, comme j’ai déjà remarqué ailleurs, nous ne connoissons point les substances immédiatement par elles-mêmes, mais de ce que nous apercevons quelques formes ou attributs qui doivent être attachés à quelque chose pour exister, nous appelons du nom de substance cette chose à laquelle ils sont attachés.

Que si après cela nous voulions dépouiller cette même substance de tous ces attributs qui nous la font connoître, nous détruirions toute la connoissance que nous en avons, et ainsi nous pourrions bien à la vérité dire quelque chose de la substance, mais tout ce que nous en dirions ne consisteroit qu’en paroles, desquelles nous ne concevrions pas clairement et distinctement la signification.

Je sais bien qu’il y a des substances que l’on appelle vulgairement incomplètes ; mais si on les appelle ainsi parceque de soi elles ne peuvent pas subsister toutes seules et sans être soutenues par d’autres choses, je confesse qu’il me semble qu’en cela il y a de la contradiction qu’elles soient des